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L’injuste pratique du duel au Moyen Age dans le comté du Ponthieu

  • Gérard Devismes
  • 3 nov.
  • 2 min de lecture
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Picardie Maritime insolite


Gérard Devismes

14.5 x 20.5 cm - 254 pages












Quand des affaires difficiles ou insolubles étaient amenées devant la justice, et que l’accusateur ne pouvait apporter des preuves suffisantes de ses déclarations, quand de son côté l’accusé ne pouvait prouver clairement son innocence par des preuves tangibles, on n’avait plus qu’une seule solution : le duel. On pensait ainsi que Dieu se rangerait du côté de la vérité et de la bonne cause. Cette coutume, héritée de l’époque des Francs, était reconnue comme légale et était en vigueur dans toute la France. Limitons-nous donc aux usages locaux, de notre région. Avant de décider de l’organisation du duel, il fallait tout de même l’autorisation des magistrats.A Abbeville, les duels avaient lieu sur un terrain situé du côté du Champ de Mars, c’est-à-dire un peu au-dessus de l’actuel Lycée Boucher-de-Perthes, et qu’on nommait le camp de Saint-Georges. Cela se passait devant le sénéchal, officier royal chef de la justice, et les officiers du vicomte. Quand les adversaires appelés en duel devant le vicomte voulaient faire la paix, le comte refusait cet arrangement, sauf si on lui donnait une somme d’argent qui devait être fixée par lui-même. Si ces adversaires se mettaient d’accord pour régler finalement l’affaire par le duel, le vicomte agissant au nom du comte les ajournait de quelques jours. Le délai d’ajournement étant terminé, il présentait les adversaires devant les reliques.Là, face à ces précieux restes de Saint, on leur ordonnait de se prendre par la main sans s’étreindre ni s’injurier, et on les invitait à se déclarer la paix. S’ils persistaient à aller jusqu’à l’affrontement, l’arme à la main, les officiers municipaux fixaient la date du duel. Souvent, il arrivait que les adversaires reculassent devant le combat ; il leur était alors demandé de présenter des champions qui se battraient à leur place. Ceux-ci étaient amenés face aux reliques en présence du vicomte, du maire et des échevins.

Alors, ils se donnaient la main et posaient cette question l’un à l’autre : « Qui es-tu, homme que je tiens par la main ? » L’autre champion répondait : « Je te fais appeler pour la querelle dont tu as donné gage contre moi ; et j’en ai le droit par celui qui m’a confié son droit et sa défense. Je ne porte sur moi aucun charme, je n’ai pas recouru au sortilège, ni à aucun moyen qui puisse te nuire et m’aider, hors le secours de Dieu, mon corps et mes armes et, si Dieu et ses saints m’aident, tu seras vaincu. » Par une coutume exceptionnelle propre à Abbeville, l’un des adversaires pouvait prouver ses dires par un seul témoin, et l’autre adversaire avait alors le droit d’appeler ce témoin en duel.Par conséquent, l’affaire était portée à l’Official d’Amiens ou au Doyen d’Abbeville, ou devant d’autres cours de l’Eglise. Nul ne pouvait porter témoignage devant le vicomte pour soutenir sa déposition par les armes. Si l’accusé n’avait pu tenir devant l’accusateur ou s’il était mort dans le duel, c’était la preuve de sa culpabilité. On se dépêchait de le traîner mort ou encore vivant au gibet, et ses meubles étaient confisqués. Bien curieuse façon de faire la justice, qui n’était qu’un simulacre au cérémonial très sophistiqué, dans lequel venait se mêler la religion encore une fois. Et dans lequel le coupable était rarement démasqué. Et qui n’empêchait nullement les crimes d’être toujours aussi atroces et nombreux !

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