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Les matériaux de la maison picarde

  • Albert Demangeon
  • 28 oct.
  • 2 min de lecture

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Habitation, population

et territoires de Picardie

et Artois-Cambrésis-Beauvaisis

vers 1900


Albert Demangeon

15.5 x 22 cm - 138 pages













Si la disposition est uniforme, on voit l’aspect varier, selon les lieux et selon l’époque de la construction, avec la nature des matériaux. Sur la plus grande étendue de son domaine, la ferme picarde est une chaumière en bois et en torchis ; mais lorsque la composition locale du sol le permet, on la construit « en dur » : craie dans le Nord de l’Artois, calcaire grossier près de Clermont et de Noyon ; en outre, depuis que la houille pénètre partout, on emploie les briques pour les bâtiments et les pannes pour les toitures.

De cette variété de matériaux résulte pour les villages et même pour les maisons dont les bâtiments furent juxtaposés et réparés au cours des temps, le mélange parfois le plus hétéroclite de parties vieilles et de parties récentes, de murs en terre déjetés par la décrépitude et de parois en briques aux couleurs éclatantes.

Avant l’époque des chemins de fer et dans cette contrée dépourvue de voies navigables, on dut se contenter, pour construire, des matériaux du pays. Or, la craie du sous-sol donne rarement des pierres assez dures pour la bâtisse : dans ses parties superficielles, elle se fendille et se partage en mille morceaux inutilisables, de sorte que, pour l’obtenir en moellons assez gros, il faut l’exploiter à une grande profondeur ; l’extraction est déjà par elle-même fort coûteuse ; une fois extraite à grands frais, la craie ne résiste pas aux gelées et tombe en fragments ; seules certaines variétés durcissent à l’air et peuvent devenir des pierres d’appareil.

Le trait commun à tous ces plateaux de craie est donc l’absence presque complète de matériaux durs et peu coûteux. La solution la plus simple consiste à prendre de la terre sur la place même où l’on construit ; comme cette terre est un limon gras et argileux, on la malaxe, on la mélange d’un peu de paille hachée et on en fait cette espèce de mortier appelé torchis ou pisé. Pendant longtemps c’est en torchis qu’on bâtit les murs, les cloisons, les clôtures des chaumières. Pour donner une ossature à ces masses terreuses, on se sert de bois ; quatre traverses souvent tortues et mal équarries reposent sur quatre montants solides : voilà le cadre. Entre les traverses et les montants fondamentaux, on établit d’autres traverses et d’autres montants intérieurs qui permettent de poser des lattes en travers ; on obtient ainsi comme une énorme boîte à mouches, à minces barreaux de bois dont on remplit les interstices avec du torchis. Ce mode de construction donne tout son caractère à l’architecture des campagnes picardes.

Ces murs en bois et en terre ne pourraient pas supporter des poids considérables ; aussi la maison n’a pas d’étage ; et encore le rez-de-chaussée est-il bas, à petites ouvertures, afin de ne pas diminuer la solidité des parois ; la fragilité des matériaux empêche que la maison ne s’élève ; elle reste ramassée, rasant le sol ; elle semble sortir de terre.

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